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LIVRE PREMIER.

Après avoir fait une centaine de li (dix lieues), il s’égara. Il chercha en vain la source des chevaux sauvages pour y puiser de l’eau. Pressé par la soif, il souleva son outre ; mais, comme elle était fort lourde, elle s’échappa de ses mains et tout le contenu se répandit à terre. Il perdit ainsi, en un moment, une provision d’eau qui pouvait lui suffire pour mille li. De plus, comme le chemin faisait de longs circuits, il ne savait plus quelle direction suivre. Il eut alors la pensée de retourner du côté de l’est, vers la quatrième tour à signaux.

Après avoir fait une dizaine de li, il songea ainsi en lui-même : « Dans l’origine, j’ai juré, si je n’arrive point dans le Thien-tchou (l’Inde), de ne jamais faire un pas pour retourner dans l’orient (en Chine). Maintenant, pourquoi suis-je venu ici ? J’aime mieux mourir en allant vers l’occident que de retourner dans l’est pour y vivre ! »

Là-dessus il détourna la bride de son cheval, et, priant avec ferveur Kouan-in (Avalôkitêçvara), il se dirigea vers le nord-ouest. Il regarde de tous côtés et découvre des plaines sans bornes où l’on ne voyait aucune trace d’hommes ni de chevaux. Pendant la nuit, des esprits méchants faisaient briller des torches aussi nombreuses que les étoiles ; dans le jour, des vents terribles soulevaient le sable et le répandaient comme des torrents de pluie. Au milieu de ces cruels assauts, son cœur restait étranger à la crainte ; mais il souffrait du manque d’eau, et il était tellement tourmenté par la soif qu’il n’avait pas la force de faire un pas. Pendant quatre nuits et cinq jours, pas une goutte d’eau n’humecta sa gorge ni sa