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diaire du duc de Buccleuch, qui le lui procura pour le mettre au-dessus des besoins de la vie. Néanmoins il est hors de doute que les obligations que lui imposaient ses fonctions pesèrent lourdement sur l’esprit du grand investigateur. Et pourtant personne n’avait plus besoin de repos qu’Adam Smith, qui avoue lui-même qu’il produisait très-lentement. Il manquait absolument de la facilité de son ami Hume, dont les œuvres furent imprimées la plupart sur le manuscrit original. De fait Adam Smith n’a publié pendant les douze dernières années de sa vie, qu’il a passées à Édimbourg, aucun ouvrage nouveau, bien qu’il eût réuni de nombreux matériaux pour de nouveaux travaux. Il les fit même brûler. C’est un bonheur que ses notes sur sa Theory of moral sentiments, aient déjà été imprimées avant sa mort. Ainsi Adam Smith vivait dans le silence et la retraite à Édimbourg, remplissant consciencieusement ses fonctions, mais perdu pour le monde et ses progrès. Son revenu lui suffit pour acquérir une petite bibliothèque qui fut dispersée entre ses parents après sa mort. Sa cousine, miss Douglas, dirigeait son ménage. Une table simple, mais hospitalière, réunissait chaque semaine un petit nombre d’amis. Adam Smith n’a aimé qu’une fois, une jeune fille belle, pleine d’esprit, d’après son biographe ; des difficultés l’ayant empêché de se marier avec elle, il préféra ne partager son cœur qu’entre sa science et ses amis.

Il repose là, celui qui a fait le bonheur des hommes dans le plus vrai sens du mot ! Sa tombe est entourée d’un grillage en fer, mais il manque à cette grille une porte qui donnerait accès au tombeau, qui permettrait au disciple enthousiaste de porter quelque jour à son maître un bouquet de fleurs !

La tombe d’Adam Smith est complètement négligée. Des tessons et des écailles d’huîtres la couvrent en partie. Les mauvaises herbes qui croissent en abondance ne parviennent pas à voiler ces débris ; car on paraît en jeter de temps en temps de nouveaux sur le tombeau, de la fenêtre qui se trouve au-dessus.

C’est ainsi qu’on honore en Écosse le plus grand des Écossais !

D’ailleurs nous ne voulons pas taire que l’Angleterre ne s’est pas occupée davantage du grand homme. Je n’ai remarqué de monument d’Adam Smith ni à Londres, ni dans aucune autre ville anglaise. Et cependant c’est à Adam Smith avant tout que les riches districts manufacturiers d’Angleterre doivent leur prospérité. La métropole a accordé avec justice une petite place parmi ses nombreux monuments à Richard Cobden, le disciple d’Adam Smith ; quant au maître elle l’a oublié. Parmi les centaines de monuments de la. cathédrale de St-Paul et de l’abbaye de Westminster, où l’on a érigé un second monument à Richard