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XLV
PRÉFACE

« La gloire, écrit Marie, n’embellit pas la femme et je ne veux pas la sacrifier… — J’aimerai toujours mieux être inimitable par la manière de porter une robe de Chever que par tout le talent et toute la laideur des Eliot et des Staël. »

Lorsque de pareilles opinions se présentent sous sa plume, gardez-vous de les tenir pour définitives et en voici la preuve :

« Il y a des jours, écrit-elle, où je ne veux plus rire jamais, où je veux perdre ma jolie tournure dégagée et en prendre une lamentable, où je voudrais faire peur. Ce doit être une consolation de savoir porter son deuil. »

Et de le faire porter aux autres, est-on tenté d’ajouter. C’est peut-être la seule fois que dans le journal de Marie s’exprime le désir qu’on la plaigne. Sa fierté la préservait de ce qu’elle considérait comme une faiblesse. Pourtant elle souhaitait que son journal fût un jour connu, puisqu’elle déclare :

« Je ne ferai rien pour que ceci soit publié, mais je veux que ce soit publiable… »

Elle y tient même beaucoup plus qu’elle ne s’en donne l’air, car en arrivant de voyage elle note ceci :

« On a perdu la caisse de mes cahiers, tout mon journal depuis dix ans, enfin dix ans d’existence,