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XLI
PRÉFACE

Plus tard l’esprit religieux seul semble persister :

« Je ne sais pas jusqu’à quel point je suis chrétienne. Je prie et n’espère pas. J’attends en vain et ne suis pas déçue. Mélange de scepticisme et de religion voulue. Indifférence peut-être ? »

N’ayant plus sa place marquée parmi les âmes croyantes, vers qui se tournera Marie ? Hélas ! rappelons-nous la mélancolie de Faust errant dans la campagne et les larmes qu’il verse lorsque des chants joyeux, passant par-dessus les remparts de la ville, viennent lui rappeler que son intelligence lui défend d’être heureux en compagnie des humbles. Les larmes de Faust sont, n’en doutez pas, celles qui ont mouillé les yeux de Goethe et si cet homme si beau, si fort et que tant de femmes ont adoré, a profondément ressenti l’isolement auquel le condamnait le développement insolite de sa pensée, qu’elle ne sera pas la désolation d’une Marie Lenéru derrière la double barrière de ses infirmités et de son talent déchaîné. Du fond de sa solitude elle nous le répète chaque fois qu’elle s’écrie : « Nous ne jouissons que des hommes, le reste n’est rien !… » Elle n’admet pas que son apparente sérénité nous trompe et nous savons, dès les premières pages, que la résignation, pour elle, n’est que le désespoir accepté. Elle est résignée parce que, pour une intelligence comme la sienne, les poses de révoltées dont four-