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ANNÉE 1916

de guerre, obéiront à un ordre de paix. C’est ici un duel entre dirigeants, entre minorités dirigeantes, comme toujours d’ailleurs, entre ces minorités par lesquelles vit le genre humain. Ce que quelques hommes ont voulu, quelques autres peuvent, admirablement et sans la moindre utopie, ne plus le vouloir. Tout dépend de la force, de l’autorité, de la mortelle insistance de leur veto… Peut-être ne faut-il même pas exagérer la tâche. Gardons-nous du mysticisme en politique. Attendez le jour où les intellectuels — à la suite de quelques-uns d’entre eux évidemment plus hardis — attendez le jour où les intellectuels oseront s’en mêler. C’est la seule éventualité que le prince de Bulow redoutait à l’égard du socialisme. « Le goût et la mode n’y sont pas », disait tout bonnement un de nos ministres des affaires étrangères. Un beau jour on enfoncera une porte ouverte, peut-être est-elle déjà enfoncée, mais personne n’oserait en répandre la nouvelle. Tout ici est d’une telle jocrisserie. Ce serait vaudevillesque, si ce n’était à en mourir de chagrin. Oh, madame, je vous l’avoue, pour moi, en dehors de « l’obligation à la guerre » il ne resterait pas grand’chose de la guerre. Le « goût du risque » est individuel. Il n’a pas besoin de mobilisation générale !

À Alice L. — Comme je voudrais que tu fasses un sort à cette grande valeur qui est en toi ! Car