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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Dumas fils, c’est une autre morale, voilà tout, et les préfaces sont du comte Prozor. Dès qu’Ibsen ne prêche plus — et ce qu’il prêche est toujours la même chose — il est exécrable, voyez Hedda Gabler. Son tragique est sans nouveauté, sans finesse, c’est le mélodrame intellectuel. Il n’existe d’ailleurs que par à-coups, l’ensemble de la pièce est toujours traînant, diffus, verbeux, tout en conversations éthiques, et éthiques très banales. Les entrées et sorties sont répétées et brouillées comme chez un débutant. Il y a parfois chez lui un ton qui me plaît, qui a de la détente. Tout le milieu scandinave, la maison, le froid, les fjords, et jusqu’aux noms propres, m’enchante et m’illusionne. Il a rarement assez de mesure pour faire vrai et ne pas changer un caractère, quand il y arrive, c’est alors poignant et délicieux, comme la femme et l’enfant qui sont tout ce qu’il y a de bon dans le « Canard sauvage ».

Si loin que je sois de tout et comme à des distances astronomiques, j’approche pourtant.. seulement j’arriverai perinde ac cadaver dans ce coma de l’attente que vous avez peut-être connu après trois heures d’attente dans le salon d’un spécialiste. Et il faudrait longtemps, longtemps, une lente accumulation pour m’en faire revenir, des années de traction sur la langue, et quelque chose derrière moi, un autre passé qui enveloppe et qui garde.