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ANNÉE 1912


Bonne.

Toutes ces femmes si âpres au plaisir, une excursion, un spectacle, je sens là un sauve-qui-peut de la jouissance qui me dégoûte. Est-ce éducation, l’atavisme de céder sa place ? Est-ce l’ascétisme religieux, la supériorité apprise du renoncement ? Serait-ce enfin un instinct qui m’est propre… à moi et à Robespierre : le désintéressement de ceux qui veulent tout prendre à la fois ?

À Mlle D… après son article de la Gazette de Lausanne : « Maintenant après vous avoir dit ma reconnaissance, oserais-je me révolter contre vos derniers mots ? Nous ne pourrions pas écrire une ligne sans le contrôle de l’oreille ? Un écrivain comme vous ne peut pas l’ignorer, et pour entendre nos phrases, avons-nous besoin, comme disait Flaubert, de les « faire passer par notre gueuloir ? »

Le sens du rythme n’est pas dans le tympan, sans cela Beethoven n’aurait pas pu penser une mesure après sa surdité. Croyez-vous que je ne sois jamais choquée par le manque d’oreille chez des écrivains entendant parfaitement. Je revendique la responsabilité de mes rythmes, comme n’importe lequel de mes confrères. Toutes mes répliques sont faites pour être dites. La seule chose dont je ne puisse répondre