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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

tenu là où il le fallait, une seule faute de goût, de tact et d’éducation anéantit en toute légitimité les impressions données en sens inverse. L’élégance d’une femme se mesure quand elle ne fait pas de toilette, son éducation quand elle parle à ses enfants et à ses domestiques, la qualité d’un écrivain à ce qu’il n’a jamais écrit. J’admire l’écrivain dont les moyennes me plaisent et ne m’ennuient pas. Les Français seuls ont des moyennes — quelques-uns d’entre eux ! — Les Russes et les Anglais ne valent que dans leurs grands moments.

Ce que j’apprécie en Blum et en Barrès, c’est leur tournure habituelle.

Dans le même homme il y a vingt possibilités d’amours et de bonheurs différents. C’est à la femme à choisir, à être attentive aux conditions du pacte. Il faut que ce qu’elle aura, la femme le préfère, et l’homme aussi le préfère.

Il est moins nécessaire à l’amour d’être la seule que d’être la première, et la première même après. Soyez irremplaçable, et laissez-vous remplacer.

Ce n’est évidemment pas une formule de bonheur, de bonheur constant, mais la femme est-elle plus faite que l’homme pour le bonheur immuablement continué ? Quand on a eu sa vie longtemps ouverte sur l’avenir et les possibles, quand on a demandé à sa solitude plus d’ardeur et d’élan que les hommes