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ANNÉE 1903

ai pas un atome, car je vous assure que rien, pas même l’habitude, ne m’a facilité les choses.

Tout est horrible et de plus en plus, voilà !

Je n’ai jamais cessé de me le dire et je n’éprouve aucune pudeur à le dire aux autres, c’est à dire, à vous.


10 août.

Mme B…, cinquante ans, était exquise sur la plage, toute mince dans le grand fauteuil de fer, empoignant les bras de toute l’ardeur de son entrain, la fine tête sur le cou fervent et rengorgé, elle étincelait de jeunesse et de possession de vivre. Dans le costume chic d’alpaga anglais, du même argent bruni que les boucles flottantes dégagées de sa coiffure plate à la Pompadour, si élancée dans sa pose assise, le vent semblait circuler dans ses veines, je l’admirais et, sagement, en adepte, je recueillais la tradition ; je me demande si le jeune homme couché, dans le sable, au pied du fauteuil, sa raquette gantée de fauve dans ses mains gantées de blanc, jugeait la supériorité de ce charme. À l’heure où l’on cherche ses amours dans le monde, cela m’eût rendu difficile.

Quand la femme survit à cet âge comme il arriva chez l’Impératrice d’Autriche, elle prend un dégagement, une pureté de silhouette hors des considérations habituelles, une netteté sombre et définitive