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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Bibliothèque, au milieu de tous ces hommes, je ne suis pas une femme, j’ai la fatigue et l’indifférence d’une vieille ou d’une laide. Seulement envie de m’accrocher à la pèlerine d’un vieux prêtre et de sangloter dans son rabat.

On me dit : « Heureusement que tu as su te faire une vie ! Personne à votre place ne s’en serait tiré comme vous ». Ils appellent cela une vie ! Ils appellent cela s’en tirer !

Je ne regrette pas, par leur nom, tel ou tel bonheur et les jours qui font peur de « succomber à la tendresse du regret ». Je n’ai qu’une nostalgie, mais féroce : je regrette la gaieté, et pour elle seule. Non pas ce qui la cause, mais le balayage des esprits animaux.

Je regarde les jeunes chiens avec jalousie. Le terrible, c’est de devenir élégiaque.


7 juin.

Vingt-huit ans. N’en parlons plus. Je ne pense qu’à une chose, à une petite fille de treize ans que j’ai connue jadis et dont je ne saurai jamais ce qu’elle est devenue.

Le magnifique est, de conserver mon intransigeance à l’égard du superflu, quand le nécessaire fait tellement défaut. Je ne suis pas encore à point pour