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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

mais cette atmosphère entre elle et nous qui est le goût de la vie. Je reconnais cet indéfinissable qui ne peut être que moi et qui revient de si loin ! Guérir lentement, guérir tard est une chose effrayante. C’est maintenant que je ne supporte plus rien : « Ils ne voient rien qui marque assez pour mesurer le temps qu’ils ont vécu, et néanmoins, comme ceux qui se réveillent, ils sentent qu’ils ont dormi longtemps. »

Si j’étais de ceux qui demandent des pourquoi à la vie..

Tant d’âme et de fluide me sont rendus par les yeux qu’il me semble à moi seule pouvoir me charger des oreilles. Et puis qu’importe ? Des yeux parfaits, des yeux qui vengent de plus en plus, ce que je les ai revus aujourd’hui ne suffiront pas à finir la vie, des yeux qui me valent enfin, de beaux yeux méchants pour bien dire : non.

Hier, un soir comme je n’en connaissais pas, le jour déjà très baissé, une translucidité, une qualité d’atmosphère, un soir comme un matin.

Avant-hier un gris si pur, si égal, un tel équilibre de ciel, de côtes et d’eau, une telle absolue sérénité grise qu’on aurait dit une autre planète où serait ainsi le bleu de la terre, où le radieux serait en gris.

Un certain degré de complaisance et de serviabilité tient du commérage..

Toi, toute ta vie tu me feras le plaisir d’être une