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journal de marie lenéru

L’homme est né pour attirer tout à soi, pour inspirer et éprouver les sympathies. La solitude est inférieure : un soldat, à faire campagne, ne préfère pas être de faction. Il est plus intelligent d’aimer mieux un homme qu’un arbre.

« Les hommes qui sont l’unique fin de mes actions et l’objet de toute ma vie. Mes plaisirs, mes chagrins, mes passions, mes affaires, tout roule sur eux. Si j’existais seul sur la terre, sa possession entière serait peu pour moi, je n’aurais plus ni soins, ni plaisirs, ni désirs ; la fortune et la gloire même ne seraient pour moi que des noms ; car il ne faut pas s’y méprendre, nous ne jouissons que des hommes, le reste n’est rien. »

À la gare, trouvé Marc[1] superbe de distinction blonde, l’air d’un grand duc mince ; à la maison. Madame Lemonnier : La plus aimable des femmes après le garçon le plus chic de la ville. Allons, cela a moins mal marché que je ne le craignais.

Je passe de la superstition de la régularité à celle du caprice. Peu importe, en somme, puisque je travaille toujours et que l’oisiveté n’est chez moi qu’un rare et précieux symptôme de santé.

Le matin, il me faut jeter sur quelque chose à lire. C’est l’indispensable piqûre intellectuelle. La dose prise, je suis disponible. Mais, quand je rentre après

  1. Officier de marine, ami de la famille.