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journal de marie lenéru

entendre les bruits si confus de la rue de Siam[1], le sifflet des canonnières, les salves, la voix de la femme de chambre.

Je n’aime que le soir. La nuit, c’est le passage du présent à l’avenir. Je me lance dans les combinaisons avec rage ; mon imagination m’use toutes les possibilités.

C’est l’imagination qui fait les plus grands interprètes du monde, savants ou poètes. On crée une hypothèse, comme on crée un mythe, une allégorie, une métaphore.

En lisant Darwin, j’étais frappée de cet état d’avant, de cette vie qui précède. Cette faculté artiste n’a rien d’anti-scientifique ; c’est l’intuition ; elle a précédé toutes les découvertes.

Dans aucun ordre de choses, l’imagination n’est méprisable. Les chrétiens lui doivent leurs plus grands saints. Étant une optique, elle est la moitié de la préhension. Et l’on existe dans la mesure où l’on prend.


7 avril.

Étouffement sous tant de lecture accumulée, besoin de répliquer ; enfin, revanche de personnalité.

  1. Rue de Brest.