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Englois avec ses gens[1]. Et le xxve jour dudit moys allèrent les Angloys escarmoucher au moulin à vent, et tuèrent moult des Arminaz et de leurs chevaulx par force de traict.

23. Item, le viiie jour de novembre ensuivant oudit an, fist chascune disenne selon sa puissance de compaignons vestus de Jacques et armez, et firent leur monstre cedit jour, et furent bien XVI ou XVII cens, tretous fors hommes. Et ce jour, environ dix

heures de nuit, party de Paris le duc de Bourgongne, avec lui les compaignons dessusdiz et les Anglois, et alla toute nuyt à Sainct-Cloud, et party par la porte Sainct Jacques et, quant il fut devant le pont de Sainct-Cloud, il fut le point du jour[2]. Adong il fist assaillir ledit pont et la ville qui estoit toute plaine de très puissans gens d’armes Arminaz qui moult se deffendirent, mais pou leur valut, car tantost furent desconfiz et tous mis à l’espée, et furent bien vi

tués. Et le faulx traistre qui avoit vendu ledit pont fut prins en l’eglise de Sainct-Cloud, au plus hault du

clocher, vestu en habit d’un prestre. Il fut admené à Paris en prinson, et le duc de Bourgongne fist mettre le feu dedens le pont leveys, dont il s’en noya bien iiic [de paour et] de haste d’entrer en la tour. Et dit on que ce fut ung des beaux assaulx que on eust point veu passé a long temps[3], car une partie de la plus grant force des Arminaz estoient en la tour, si que on ne la peust avoir si legierement, et aussi tous les Arminaz de Sainct--

  1. Ce contingent anglais, que commandait le comte d’Arundel, paraît avoir été accueilli avec défiance par la population parisienne dont le mécontentement s’accentua encore lorsqu’il fallut contribuer au payement de ses services. La corporation des bouchers surtout, quoique fort affectionnée au duc de Bourgogne, les vit de très mauvais œil ; ainsi, en novembre 1411, un des Anglais qui venaient d’abattre une maison à Saint-Germain-des-Prés fut tué, près des murs, par un valet boucher, convaincu, sur la foi de certains bruits, « que les Anglois avoient prins complot de tuer tous les bouchers de Paris. » (Rémission de mars 1412. Arch. nat., JJ 166, fol. 76 v°.)
  2. Ms. de Paris : il y fust au poinct du jour.
  3. Voici, d’après une lettre de rémission du mois de janvier 1412 (Arch. nat., JJ 165, fol. 249 v°), les nouvelles de « la besongne » de Saint-Cloud qui circulaient à Hesdin au mois de novembre 1411. On racontait « que les Armaignacs avoient esté tous desconfis, et y avoient les Picquars très bien fait leur devoir, et que nous et nostre très cher et amé cousin le duc de Bourgongne et nos gens y avions acquis grant honneur, et aussy… que les Anglois y avoient bien fait et avoient prins Manssart du Bos, chevalier, et autres qui s’estoient mis contre nostredit cousin le duc de Bourgogne. »