Page:Journal d’un bourgeois de Paris 1405-1449.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

valloit liiii frans [ou lx], dont les pauvres gens de ville comme au desespoir, fuoient ; et leur firent plusieurs escarmouches et en tuèrent moult.

12. Et tout ce n’estoit que pour l’envie qu’ilz avoient, pour ce que les gens de Paris amoient tant le duc de Bourgongne et le prevost de Paris nommé Pierre des Essars, pour ce qu’il gardoit si bien la ville de Paris. Car toute nuyt et toute jour il alloit tout parmy la ville de Paris, tout armé, lui et grant foison de gens d’armes, et faisoit faire aux gens de Paris toutes les nuys le plus bel guet qu’ilz povoient, et ceux qui n’y povoient aller faisoient veiller davant leur maison, et faire grans feuz par toutes les rues jusques au jour, et y avoit quarteniers, cinquanteniers, diseniers qui ce ordonnoient. Dont ceulx de devers Berry tindrent si court ceulx de Paris par devers la porte Sainct-Jacques, Sainct-Marceau[1], Sainct-Michel, que les vignes demourerent à vendenger et les semailles, et plus, à quatre lieues entour de Paris devers lesdictes portes, jusques à la sainct Climent encore vendengeoit-on, et par la grâce de Dieu il y avoit très pou de pouris, car il fist très bel temps, mays ilz ne se povoient eschaufer es cuves. Et si ne venoit pain à Paris qu’i ne couvenist aller querre à force de gens d’armes par eaue et par terre. Et y avoit ung chevalier logé à la Chappelle-St-Denis, nommé messire Morelet de Betencourt[2],

  1. C’est par erreur que le ms. de Rome ajoute la porte Bordelle ; la porte Bordelle et la porte Saint-Marceau ne sont qu’une seule et même porte conduisant au bourg Saint-Marcel ; appelée d’abord porte Bordelle, elle prit plus tard le nom de porte Saint-Marcel.
  2. Regnaud de Béthencourt, dit Morelet, chevalier bourguignon, chambellan des ducs Philippe le Hardi et Jean Sans-Peur, apparaît fréquemment dans les documents du temps de Charles VI et Charles VII. Nous le voyons en 1406, sous prétexte de deniers à lui dus par le roi, saisir au passage une somme d’argent que l’on apportait à Paris pour la reine (Arch. nat., Xia 1478, fol. 279 v°). L’année suivante, Morelet de Béthencourt se trouva compromis dans un procès fait par le bailli de Rouen à son serviteur Gilet Harenc, procès qui révéla l’existence de « certaine dampnable entreprise » et l’envoi de fausses lettres closes à un bourgeois de Rouen au nom du vidame d’Amiens ; le fait parut assez grave pour motiver un ordre d’arrestation de la personne de Morelet, ordre adressé le 7 août 1407 par le prévôt de Paris à Mathieu d’Arly, chambellan du roi (Arch. nat., X2a 15, fol. 158 v°). Toutefois, l’affaire ne paraît pas avoir eu de suite. Au mois d’août de l’année 1410, Morelet de Béthencourt, obligé de quitter Chartres où le duc de Bourgogne l’avait envoyé (Cousinot, Geste des nobles, p. 131), revint aux environs de Paris et fut chargé par Charles VI