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INTRODUCTION

« tous ceulx qui avoient vin devers la porte Sainct-Jaques et de Bordelles », c’est que ses vignes à lui se trouvaient dans les parages de ces deux portes.

Il convient maintenant d’examiner si le chanoine Chuffart répond à ces données de la chronique parisienne.

Par décision du 26 mai 1427, le chapitre de Notre-Dame lui avait concédé à titre viager une maison dans le bourg de Saint-Marcel, moyennant une rente annuelle de six livres, et sous la réserve que toutes les terres que Jean Chuffart pourrait acquérir sur le territoire de Saint-Marcel seraient hypothéquées en garantie du revenu[1] ; le domaine en question se composant de maison, cour et jardin, était situé dans la grande rue du bourg, vis-à-vis l’Hôtel-Dieu, et comprenait des vignes d’une étendue assez considérable pour nécessiter l’établissement d’un pressoir dans l’immeuble appartenant au chapitre de Notre-Dame ; ce fait qui se produisit au début de l’année 1430 constituait une grave atteinte aux droits du chapitre de Saint-Marcel, lequel se réservait le pressurage de toutes les vignes comprises dans l’étendue de sa juridiction. Le 30 février 1430, Jean Chuffart annonça au chapitre de Notre-Dame son intention de tenir tête aux chanoines de Saint-Marcel qui exigeaient la démolition du pressoir nouvellement édifié[2], ajoutant qu’il n’avait agi de la sorte qu’en vue des intérêts de l’église de Paris, assertion qui s’écartait un peu de la vérité ; en effet, Jean Chuffart, en parlant ainsi, ne se proposait d’autre but que de se ménager l’appui de ses confrères. Le chanoine de Notre-Dame opposa une résistance d’autant plus vive qu’en l’année 1430 il y eut une récolte des plus abondantes et que les vins furent d’excellente qualité. Le procès s’engagea au Châtelet ; les chanoines de Saint-Marcel, dans leur séance du 21 septembre 1430, décidèrent qu’ils interjetteraient appel de tout jugement rendu au profit de Jean Chuffart qui l’autoriserait à faire usage pour sa vendange du pressoir litigieux[3]. Deux jours après, une sentence de la prévôté de Paris déclarait qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte du délai de produire requis par le chapitre de Saint-Marcel[4]. Jean Chuffart eut donc gain de cause en première instance, mais les chanoines de Saint-Marcel ayant interjeté appel au Parlement, leur adversaire voulut absolument utiliser son pressoir pour les vendanges de l’année et fit rendre par provision un arrêt en date du 30 septembre 1430, par lequel il obtint de faire pressurer la vendange de ses vignes pour l’année courante, le droit de chacune des parties étant pleinement réservé[5].

  1. Arch. nat., LL 216, p. 94.
  2. ibid., LL 216, p. 189.
  3. ibid., LL 34, p. 90.
  4. ibid., Y 5230, fol. 75.
  5. ibid., Xia 1481, fol. 35 ro.