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INTRODUCTION

aversion profonde pour les Armagnacs qu’il rend responsables de toutes les calamités qui désolèrent Paris sous la domination étrangère. Ce caractère si nettement accusé de la chronique anonyme de 1405 à 1449 doit selon nous se retrouver chez son auteur et dans les principales phases de son existence ; la persistance de ses sentiments hostiles à l’égard des Français ou Armagnacs permet de le compter au nombre de ces représentants du clergé parisien qui, dans maintes occasions solennelles, affirmèrent hautement leurs sympathies pour le gouvernement anglais. Cette pensée était venue à M. Longnon lorsqu’à l’appui de sa thèse il nous montrait le curé de Saint-Nicolas-des-Champs (c’est-à-dire Jean Beaurigout) jurant le 26 août 1429 l’exécution du traité de Troyes ; nous suivrons son exemple et nous chercherons le chanoine de Notre-Dame auquel nous attribuons le journal parisien dans les rangs des prêtres anglo-bourguignons. Bien que la plupart des personnages ecclésiastiques qui prêtèrent serment entre les mains du Parlement ne soient désignés que par leurs titres de curés ou de prieurs, nous avons cependant remarqué deux noms inscrits en tête de la liste donnée par le greffier Fauquembergue, ceux de Pasquier de Vaulx et de Jean Chuffart, tous deux chanoines de Notre-Dame. Jean Chuffart, que M. Quicherat, dans la table des Procès de Jeanne d’Arc, appelle un notable de Paris, est bien le dignitaire du chapitre que nous connaissons ; il peut donc prendre place parmi ces membres du clergé qui n’attendirent point qu’on vînt leur demander le serment de fidélité, mais qui s’empressèrent de consacrer par une adhésion spontanée le fameux traité de Troyes. À cette même époque, le chanoine Jean Chuffart était, paraît-il, fort bien vu du gouvernement anglais, si l’on en juge par un mandement du roi Henri VI, à l’adresse du Parlement de Paris, portant évocation d’une cause pendante entre le chapitre de Saint-Marcel et le même personnage, mandement dans lequel le roi le qualifie de « nostre amé »[1]. Néanmoins, il ne faut pas se dissimuler que Jean Chuffart, tout en acceptant comme beaucoup d’autres la domination anglaise, ne devint point anglais de cœur et d’âme ; bourguignon il était, bourguignon il resta, et lorsque le traité d’Arras rétablit la paix depuis si longtemps rompue entre le roi de France et le duc de Bourgogne, il suivit sans hésitation le parti du souverain légitime ; nous en donnerons plus loin une preuve non équivoque.

Les mêmes fluctuations se remarquent chez l’auteur du journal parisien, à partir de la reddition de Paris à Charles VII ; autant le chroniqueur se montre précédemment adversaire intraitable des Armagnacs, autant il se radoucit et change de ton. Les Armagnacs

  1. Ce mandement, en date du 11 décembre 1430, est annexé à un accord homologué au Parlement de Paris le 11 avril 1431 (Arch. nat, Xic 141).