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En effet, grâce au rapprochement fort habile de certaines particularités recueillies çà et là dans l’œuvre qui nous occupe, grâce surtout à une coïncidence remarquable entre un passage du Journal qui nous montre le chroniqueur animé de sentiments peu bienveillants à l’égard de l’évêque Denis du Moulin et un procès intenté par ce prélat au curé de Saint-Nicolas-des-Champs, M. Longnon n’est pas éloigné de penser que l’auteur du Journal parisien serait Jean Beaurigout, qui exerçait en 1440 les fonctions curiales à Saint-Nicolas-des-Champs.

Cette attribution nouvelle qui repose sur un ensemble de faits rigoureusement déduits, n’a soulevé jusqu’ici aucune objection. Est-ce à dire que l’on doive accepter sans discussion les conjectures de M. Longnon et considérer désormais le curé Beaurigout comme ce conteur plein de verve, auquel nous devons l’une des plus curieuses chroniques du xve siècle ? ce n’est point notre sentiment. Notre tâche d’éditeur nous impose l’obligation de soumettre à une impartiale critique les résultats obtenus par M. Longnon et de voir s’ils concordent en tous points avec les données de notre Journal.

M. Longnon s’appuie tout d’abord sur le récit d’événements qui se passèrent à Paris, au mois d’août 1413 et au mois de février 1414, pour placer la demeure du prétendu bourgeois de Paris dans le quartier de la ville situé sur la rive droite de la Seine, son jugement est fondé ; mais, après avoir conclu d’une mention, spécieuse à la vérité, de Saint-Nicolas-des-Champs, que l’auteur du Journal demeurait en 1413 à proximité de cette église, notre confrère trouvant, sous l’année 1435, le récit d’un événement particulier au cimetière de Saint-Nicolas[1], en arrive à considérer que le personnage ecclésiastique auquel on doit le Journal était vraisemblablement le curé de cette paroisse. N’est-ce pas là un peu s’aventurer, et, avant de tirer parti d’incidents se rattachant au séjour du chroniqueur à Paris, pendant les années 1413 et 1414, avant de les faire entrer dans l’argumentation qui permet d’attribuer le Journal parisien à Jean Beaurigout, curé de Saint-Nicolas-des-Champs en 1440, ne fallait-il pas démontrer que, dès 1413, ce personnage se trouvait investi de fonctions pastorales dans cette église ; là est le côté faible de la thèse de M. Longnon, côté que ce critique n’a pas au reste cherché à dissimuler lorsqu’il dit lui-même n’avoir pas rencontré de mention

  1. Il s’agit du récit d’un mouvement populaire dirigé le 4 août 1413 contre la faction cabochienne, où nous voyons l’auteur du Journal nous dire que l’hôtel de Jean de Troyes fut pillé en moins de temps « que on ne seroit allé de Saint-Nicolas-des-Champs à Saint-Laurent. » M. Longnon estime qu’en prenant ainsi Saint-Nicolas pour point de départ, l’anonyme désigne l’édifice le plus rapproché de sa demeure.