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de la Tartarie, depuis la grande muraille de la Chine jusqu’aux frontières du pays des Francs. Cette circonstance permettait au roi de Perse de mettre à la disposition de Philippe le Bel, pour une expédition en Syrie, deux cent mille chevaux, deux cent mille charges de blé, et de plus, cent mille cavaliers tartares, que le prince s’offrait à conduire en personne. La lettre en langue mongole, relative à ces propositions, est un rouleau de dix-huit pouces de haut sur neuf pieds de longueur, lequel existe encore aujourd’hui dans les Archives du royaume.

La diplomatie orientale a ses règles de convenance et ses minuties d’étiquette. Elles ne peuvent manquer de nous sembler bizarres ; car, dans ces graves bagatelles, pour qu’un usage nous paraisse simple et naturel, il ne faut pas qu’il diffère trop de ceux auxquels nous sommes accoutumés. Les Asiatiques mettent de l’importance à la forme et à la grandeur du papier, à la grosseur de l’écriture, à la largeur des marges, à la longueur et à la disposition des lignes. Tout cela doit être en proportion, et si je puis le dire, en raison composée de la dignité du prince qui écrit, et de celui à qui on écrit ; plus souvent encore, en raison du besoin que le premier a du second, et des services qu’il peut en attendre. Sous tous ces rapports, la lettre tartare adressée (en 1305) à Philippe le Bel, était aussi honorable qu’on pouvait le désirer ; et un rouleau de neuf pieds de long était le plus grand témoignage de considération qu’un sultan des Francs pût raisonnablement attendre d’un souverain mongol.