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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

parce que je fais mon journal, car je m’aperçois que c’est une très bonne chose ; je connais bien un bonhomme moi, qui ne doit pas aimer cet emploi d’encre et de papier. (Fernande à qui je viens de dire cela m’a dit qu’elle le connaît bien, elle aussi.) J’ai relu hier mon journal à partir de mes douze ans ; il com- mence tout le temps par : « mon journal m’assomme littérale- ment », ou bien « c’est maman qui me force à faire mon jour- nal », etc., etc., enfin je ne montrais pas du tout de feu sacré ; il y en a qui n’ont que quelques lignes et souvent, quelle honte ! il n’y a que des dates, Il paraît que Fernande a souvent fait des journaux aussi longs.

Hier soir, nous sommes allés chez tante Blanche où nous avons fait nos confidences de salon ; tonton Albert a été con- tent de la mienne et m’a dit qu’elle méritait au moins 18, mais je ne veux pas être orgueilleuse.

Il faut absolument que j’écrive ici quelque chose qui m’a fait bien plaisir, voici ce que c’est : tonton Albert ! espère et est presque sûr, d’avoir le cours de l’École de guerre, ce qui fait que nous irions passer six mois à Paris sur douze, Paris serait notre résidence, nous y aurions toute notre installation. Henriette et moi coucherions dans la même chambre, ce qui serait très agréable ; puis les deux salons, celui de Tonton et celui de maman seraient réunis, de sorte que ça en ferait un très beau. Je n’aurais pas du tout voulu quitter Brest tout à fait, mais puisque nous viendrons y passer six mois, je serai très contente ; et enfin, habitant Paris, nous pourrions peut- être un jour ou l’autre nous trouver réunis avec les Dauriac, : ce qui serait le nec plus ultra.

Avant-hier soir, nous sommes allés chez Mme Picard et nous avons fait une partie de grâces qui n’en a pas été une ; tout le monde riait, on se jetait les arceaux, on ne les recevait pas ; enfin tout le monde a donné sa démission en se lançant les bä- tons. Après, Fernande m’a dit une chose qui m’a beaucoup étonnée c’est que Mme de F. n’est pas seulement catholique de

1. Albert Corrard,