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ANNÉE 1888

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Grande Rivière, dimanche 19 août.

Je crois vraiment que maintenarit je vais être fidèle à mon journal, parce qu’à présent, je comprends bien mieux combien il me sera délicieux quand je serai vieille de me reporter à mes jeunes années en lisant ce compte rendu de ma vie. Il me sem- ble que lorsqu’on relit son journal, c’est comme si on vivait une fois de plus, c’est pourquoi je regrette beaucoup de n’avoir pas commencé plus tôt à le faire. Je voudrais tant me reporter aux époques auxquelles vivaient tous mes parents, que le bon Dieu m’a maintenant enlevés. Que je voudrais avoir écrit toutes les conversations que nous avons eues à table avec tante Alice, et qui m’intéressaient tant ! Malheureusement, je ne l’ai pas fait, et je n’ai aucun souvenir d’elles qui me permette d’en écrire quelques-unes.

Je vais alors commencer par dire que Fernande, Marguerite, Carle, tonton Lionel et tante Gabrielle sont arrivés avant-hier. Ils devaient arriver par un omnibus, mais comme ils n’avaient pas dit par quelle porte, on a mis des guetteurs à la porte Foy et à la porte de la Grand’Rue. Nous, nous les attendions à la maison, à Brest, sur le balcon. Nous n’avions vu aucun omni- bus et nous allions nous en retourner, lorsqu’une voiture char- gée de bagages arriva au tournant de la rue de la Banque ; c’étaient eux ! Nous nous sommes bien embrassés, J’étais ravie de les revoir ; tonton Lionel est descendu de voiture, et moi, j’ai pris sa place, de sorte que nous avons pu nous re- connaître, Marguerite ! et moi. Je ne l’ai pas trouvée beau- coup changée, mais j’ai eu une déception, parce que Fernande m’avait dit qu’elle était ravissante et elle ne l’est pas. Cepen- dant, elle a une physionomie distinguée et très sympathique. Elle a des cheveux superbes, malheureusement ils tombent à pleines poignées. En voiture, c’est tout ce que j’ai pu en voir. Elle parle peu, mais a la voix extraordinairement âgée. Fer-

1. Cousine germaine de Fernande.