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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

lui ordonne d’aller dans sa chambre pour la punir et aussi en lui disant que les enfants ne restaient pas toujours sur le dos des parents. Gabrielle se fâche, dit qu’elle a seize ans, que Mathilde est tout le temps à lui faire des observations — (c’est un peu vrai, mais aussi Gabrielle veut tout commander) — enfin, elles se brouillent ; moi, je ne disais rien, je trouvais que toutes les deux avaient raison, ou plutôt tort. Je tâchais simplement de les racommoder car moi, ça ne m’amusait pas du tout. Nous ne jouions pas, elles ne se parlaient pas, ou, si elles se parlaient, c’était pour se dire des choses désagréables. Ça ne pouvait pas durer comme ça, et pourtant ça a continué jusqu’à la fin de la journée, et quand je suis partie, elles n’étaient pas encore réconciliées ; mais Gabrielle m’a promis qu’avant que Mathilde parte, c’est-à-dire tout à l’heure, à 10 heures, elles se raccommoderont.


Dimanche 7 août.

Vraiment, aujourd’hui, sauf que je n’ai pas bien fait ma prière, je suis très contente de moi ; j’ai été très attentive à la messe et j’ai pris de bonnes résolutions et je vais tâcher de finir ma journée comme je l’ai commencée ; d’abord, aujourd’hui, comme c’est dimanche, il faut que je sanctifie bien ma journée ; je lirai quelques bons livres et au lieu de dépenser mes deux sous j’irai en mettre un dans le tronc des pauvres, ce ne sera pas grand’chose, mais ce sera toujours une privation que je me serai infligée et qui, j’espère, fera plaisir au bon Dieu.

Je suis bien ennuyée, car Fernande a pour la troisième fois la fièvre typhoïde et il paraît que le système nerveux s’en mêle ; mais cette pauvre Fernande a du moins un grand plaisir, c’est qu’elle a deux religieuses comme gardes malades et moi qui la connais, je suis sûre que ça la fera peut-être moins malade.