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confusion nécessaire du pacifisme, et qu’il existera plus que jamais comme parti — le discours de Grey : « une Ligue à la- quelle M. Wilson et M : Hughes travaillent, une association internationale. Je-crois que c’est là l’œuvre dans laquelle nous pouvons mettre quelque espérance »,

Vous sacrifiez plus que cet homme d’État au respect humain en parlant d’ « arguments chimériques ». S’il s’agissait du pro- gramme pacifiste je vous passerais l’épithète puisque, bien évidemment, est chimérique tout programme qui n’est pas le nôtre. Mais s’il s’agit d’arguments dont la chimère est, sans doute, de persuader, je vous déclare que ne sont pas chimé- riques des arguments qui font des recrues comme moi, Il est trop évident qu’après cette guerre, il n’y aura plus qu’une question au monde : Ja paix, ou, si vous préférez, la garantie Contre la guerre, qu’elle soit militaire ou pacifiste, les deux aussi indispensables l’une que l’autre, mais la pacifiste assu- rément plus que la militaire, l’expérience l’a prouvé. Les canons et les munitions ont manqué à la fois à l’artillerie et au pacifisme, qui avait bien des troupes, mais ni chefs, ni autorité, ni poigne, ni organisation.

Que j’aimerais lire votre article sur R. Rolland ! Ce sont ces. pacifistes-là, les pacifistes moraux à la Tolstoi, qui ne conver- tissent pas. Je suis une pacifiste immoralel »

C’est l’horreur de la guerre qui domine chez tous ; alors, comme l’homme a toujours fait devant la douleur, on mysticise le fléau. Le plus grand danger vient peut-être de ce lyrisme dont nous nous voilons toujours devant la mort, même la mort gratuite et « inventée » — mot de Marx. — Ce qui me ré- volte et me frappe bien autrement dans la guerre, c’est précisé- ment l’absence de cette fatalité dont notre routine verbale et tant de lyrisme invétéré s’obstinent à la gratifer.

Ce qui me frappe, et plus que l’horreur encore m’a rendu la guerre insupportable — il y a bien de l’horreur aussi que nous acceptons dans la nature — c’est la gratuité, l’artificia- lité, la non-nécessité du fléau. Et cela, comme toujours au