Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/392

Cette page n’a pas encore été corrigée

386 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

lemagne, d’Angleterre, de France et des États-Unis. La diplo- matie de ces quatre puissances approuvait et appuyait le pro- jet. On devait d’abord lancer une série de grands emprunts de plusieurs milliards pour permettre la militarisation de la Chine et les grandes commandes du matériel de guerre qu’elle com- portait. »

Paris, octobre 1916.

Des gens, des amis charmants, mais qui ne lisent jamais. Ils ne sont pas bêtes, ils devraient être intelligents, mais voyez- vous, Marie, je m’aperçois de plus en plus que l’intelligence n’est pas un don de la nature, mais une habitude de l’esprit. Ce que les gens intelligents pensent et disent de bêtises, sur la guerre et la paix, par exemple ! Il faut que moi-même, j’aie de fameuses habitudes d’esprit pour avoir discerné qu’ils n’étaient pas bêtes.

À Mne Dus… : Miss Barney répondait : « Non, l’intelligence n’est pas la fonction naturelle du cerveau. » — Voyez-vous, chère amie, c’est une contagion. Elle se transmet de porteurs de germes en porteurs de germes. Pour les immunisés le cerveau n’est qu’un centre nerveux régulateur de l’organisme et des fonctions matérielles… Comme il faut que vous ayez été pré- disposée, vous, si éloignée des centres d’infection !

À M. Sageret : Chevrillon, si distingué qu’il soit ; J. Bainville que j’aime tant, me paraissent vieillots, surannés, livresques, à force de passer à côté de tant de questions nouvelles, non encore enregistrées dans la littérature historique et diploma- tique. Ah ! qu’il est difficile de dire une chose pour la première fois ! Ils sont très intelligents avec les questions vicillies…

D’ailleurs je fais le chemin inverse de tout le monde. Aristo- crate, autocrate, esclavagiste, cette guerre me rend socialiste, contrôle parlementaire, pacifiste. À ce propos, vous êtes le premier à vous apercevoir que les événements ne sont pas la