ANNÉE 1914
Neuilly, 30 mars 1014.
EvANT ce quotidien haussement d’épaules, cette non-
D acceptation de mon existence, se rappeler pourtant
qu’il n’y a rien, ni à droite, ni à gauche, que vous puis-
siez vouloir. La vie qu’il me faut, personne ne la possède ; ni homme ni femme ne détient ce qui me manque.
Ma vie n’est pas dans l’amour de celui-ci, dans l’amitié de ceux-là. Ma vie, c’est moi seule qui peux la faire et me la don- ner. Oui, certes, l’amour de celui-ci, l’amitié de ceux-là, un jour il me les faudra bien, mais la part de vie que j’appoïte au monde, l’atmosphère où je veux les entraîner, voilà ce qu’ils ignoreraient encore si je consentais à vivre aujourd’hui et voilà, je le sens bien, ce qui serait l’essentiel de cet amour et de ces amitiés.
J’ai trop connu l’ennui, je sais trop ce qui peut manquer à une existence pour accepter la moindre restriction. Par exem- ple, si élégante qu’eile soit, je ne voudrais pas finir dans la vie bourgeoise de Mme D.
Je veux la grande fortune. J’ai besoin du mouvement, des voyages et des sports, peut-être de celui du monde que j’au- rais tant aimé… Vous aurez bien mal tiré parti des livres, s’ils ne vous ont pas appris à tout aimer de ce qui n’est pas eux. C’est leur mission naturelle, et il est tout simplement renver- sant qu’elle puisse être méconnue. Enfin, songez que j’ai à remplir Le vide de la musique. Or, comme j’ai fait assez de soli-