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349 JUURNAL VE MAIL LONLERL

à ses domestiques, la qualité d’un écrivain à ce qu’il n’a ja- mais écrit. J’admire l’écrivain dont les moyennes me plaisent et ne m’ennuient pas. Les Français seuls ont des moyennes — quelques-uns d’entre eux ! — Les Russes et les Anglais ne va- lent que dans leurs grands moments.

Ce que j’apprécie en Blum et en Barrès, c’est leur tournure habituelle,

Dans le même homme il y a vingt possibilités d’amours et de bonheurs différents. C’est à la femme à choisir, à être atten- tive aux conditions du pacte. Il faut que ce qu’elle aura, la femme le préfère, et l’homme aussi le préfère. Il est moins nécessaire à l’amour d’être la seule que d’être la première, et la première même après. Soyez irremplaçable, et laissez-vous remplacer.

Ce n’est évidemment pas une formule de bonheur, de bon- heur constant, mais la femme est-elle plus faite que l’homme pour le bonheur immuablement continué ? Quand on a eu sa vie longtemps ouverte sur l’avenir et les possibles, quand on a demandé à sa solitude plus d’ardeur et d’élan que les hommes n’en mettent à leurs passions, la plus noble amitié conjugale ne peut-elle pas apparaître un jour comme un relächement. La vie est une chose trop unique pour ne pas tout remettre en question. Il y a peut-être d’autres vies de femmes que celles qu’on a connues. Entre les libertines et les niaises amoureuses, il pourrait y avoir autre chose. Certaines femmes ruinent les hommes de leur argent, d’autres pourraient ruiner les meilleurs d’entre eux du bonheur qu’ils peuvent détenir. Quelque chose comme la monnaie de M. de Turenne. La plupart des femmes intelligentes — je ne pense pas aux femmes de lettres — ont vécu de cette manière.

Il n’est pas indispensable que ces hommes ruinés aient été des amants,