Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/292

Cette page n’a pas encore été corrigée

<ov JYVKNAL DE MARIE LENÉRU

I4 Mars.

Nous ne sommes pas dans un tel état de minorité intellec- tuelle, qu’en présence d’une idée nous devions toujours nous enquérir du maître, Une pensée est plus intéressante par ses rapports avec la vérité, par sa valeur absolue, que par sa valeur relative à un individu. Je peux mépriser la mort à cause d’un mot de Sénèque qui ne la méprisa point. Que Schopen- hauer fût un viveur, cela est essentiellement étranger à la portée philosophique du pessimisme.

Mais il leur faut l’exemple à ces grandes personnes.

Ce sont des enfants au théâtre qui demandent « si c’est arrivé » et qui ne s’intéresseraient plus à la pièce s’ils sa- vaient que l’acteur ne dit pas ce qu’il pense,

18 mars.

À retenir les gens qui vous découragent. Oh ! le plus pas- sivement qu’ils peuvent « parce qu’ils ont peur de vous don- ner des illusions ». Comme j’ai eu raison d’avoir relevé tous les ponts-levis de secours des autres à moi !

Je suis convaincue jusqu’aux entrailles de mes entrailles, que je ne ferai jamais rien que par moi, la plus seule mot.

Quand on doit maintenir en soi un niveau intérieur plutôt élevé, tous, voire ceux qui vous aiment, sont de mauvaise fréquentation. C’est une règle absolue de dignité morale, Nous n’avons pas plus à entretenir les autres de nos ambitions que de nos amours.

C’est l’expérience de sainte Thérèse qui, certes, ne rencon- trait pas d’hostilités, « Pour m’aider à tomber je n’avais que trop d’amis, mais pour me relever je me trouvais dans une effrayante solitude, » |

Elle entendait par tomber, tomber dans l’indifférence aux grandes grâces.

Parlez-leur d’eux-mêmes, parlez-leur en toujours, voilà de quoi remplir les relations sociales de toute votre vie.