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30 novembre.

Encore les femmes à la vente du Grand Palais.

Elles ne sont présentables que par les grands tailleurs. La bonne couturière ne suffit pas à leur donner du style, il y a une chose qu’elles ignoreront toujours en toilette, c’est l’ensemble. Elles ne sont que « rapiècetage ».

Et quelle bassesse de visages ! Même les jolies font horreur quand on sait lire la vulgarité d’habitudes et de pensées qui a bâti ces traits-là. Même à 50 ou 60 ans leur expression ne change pas, elles n’ont pas l’air plus sérieux.

4 décembre.

Nous nous rappelions avec maman cette audition d’un ven- dredi saint, Rédemption, conduit par Gounod, chanté par Faure et Maury, à la salle Albert-le-Grand. Je me rappelais mieux qu’elle. De splendides voix de femmes, émues et claires, chantant l’Au pied de la Croix Sainte et le Jésus est ressuscité, menés par Gounod dans un adorable mouvement, le souffle d’une course matinale.

6 décembre.

En rentrant à Paris il faut se précipiter rue des Tuileries et sur les quais, respirer de l’air historique. Les capitales vous donnent le besoin des architectures glorieuses. La place de la Concorde et le pont Alexandre m’enchantent comme une forêt, une ligne de côte. Ah ! les villes, les villes qui sont des personnes centenaires, les villes plus vieilles et plus nobles que la cam- pagne, les villes aux beaux noms qui siègent par toute la terre.

À Paris, quand je n’ai pas vu la Seine et’les ponts, ou cet adorable Carrousel où les rois de France ont mis chez eux, dans leur cour, le ciel, les nuages et la couleur du temps — il y a des jours où du pavillon de Marsan on voit dans de l’air bleu lé