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274 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

gères accouchées, on a le plus désintéressé cri de désespoir ! Et toujours, toujours ce bonheur public, cet amour public ; il don- nerait la nausée du peuple, si l’on n’était pas tout de même de nationalité chrétienne. Les parcs sont faits pour les châte-" laines et les braconniers et les belles forêts sont moins souillées par le passage des charbonniers que par les déjeuners de fa- mille.

Etplus ils insistent sur le point de vue Justice, plus ils m’obli- gent à être consciente de la sûreté avec laquelle mon instinct ne l’accepte pas.

La misère des autres me met très mal à l’aise — probable-

ment que de la mienne je serais plus insouciante. — Mais la bienfaisance, je la sens comme affaire de délicatesse, je n’y verrai jamais la réparation d’une injustice. — Le pauvre a toutes les richesses de droit naturel : le soleil, le grand air, le repos sous un arbre, l’eau dans le creux de sa main et sa chasse pour se nourrir. Les autres biens ont été inventés par le riche, le fort, l’adroit, le prévoyant, lequel est antérieur aux richesses, La charité n’est pas un bien rendu, mais une grâce faite,

Mardi 25,

Amorcer de suite toutes mes habitudes. Il vaut mieux com- mencer mal, i# 4 hurry, que remettre, fût-ce d’un jour. Car le mal n’est pas le temps, mais le mouvement perdu.

S’entraîner si merveilleusement à l’action immédiate qu’on arrive au réflexe d’une perpétuelle et parfaite disponibilité.

S’innover des habitudes aussi facilement que les velléités vous en parviennent.

O velléités, grâces perdues !

Puis schnell, schneller, der Tod reitet so schnell !

Tout doit se faire de plus en plus vite, du geste matériel au mouvement cérébral. Car tout est plus net qui s’accomplit rapidement et d’ensemble. x

Règle : pratiquer les délais fixes.