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d’un heureux caractère », si dépourvus de tout alliage d’imbé- cillité, sont parfaitement des esthéticiens sans le savoir, vivant sous un charme encore très méconnu.

28 août.

Chez nous, quelle maladresse à exister, quelle inaptitude à tout un monde de voluptés immédiates et passagères. Les bêtes, au contraire, sont admirables, un incroyable aguet de leur bien-être. L’ingéniosité d’un poulailler, par exemple, à tirer parti d’un rayon de soleil, ou celle d’un caniche à capter les traînes sur lesquelles on peut bien dormir. Quels épicu- riens adroits et presque réfléchis !

2 septembre.

Je suis nerveuse et tourmentée sans une minute de répit. N’avoir encore rien fait pour moi ! Je ne jouis de rien, et ne désire aucune joie. Je n’éprouverai aucun bien-être extérieur tant que je n’aurai pas vidé ces questions intimes.

Faire quelque chose qui me vaille. Et je le fais quand je tra- vaille, mais je remets toujours les achèvements, l’acceptation finale.

Je ne veux plus lire de ma vie. Je me suicide de lectures.

Au bout de la plage la falaise forme une arche étroite. D’en haut, du chemin des douaniers, c’était étrange de voir la mer passer, gros chat blanc par sa chatière.

7 Septembre.

Certes je n’aurai pas l’incrédulité apostolique. Ce qu’ils comprennent ! C’est toujours l’argument facile, de nature plus basse, qui les émeut et les gêne.