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238 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

tels, mais ne donnent pas à la conscience une garantie de survie. La mort qui « sépare » comme dit le catéchisme, ne peut qu’être la mort qui finit.

Juin 1907. Brutul, Mardi.

M’entêter à ne pas estimer, à ne compter pour rien, la jouis- sance négative d’une guérison, est-ce bien nécessaire ? Mon horreur, ma défiance, mon insoumission au bonheur relatif « par comparaison » n’est-elle pas une exagération ? Y a-t-il seulement autre chose ? Un bonheur en soi ? C’est une défini- tion élémentaire que nous ne sentons que par contraste,

N’impoite, avec ce système, un voyou qui mange est heu- reux. Il faut, pour se venger, un bonheur aussi éloigné des gens heureux que le malheur.

En ce monde nerveux, toute suprématie autoritaire, édi- fiante, sentimentale, éducatrice, bienfaisante, n’est que magné- tisme. Nous ne sommes rien tant que nous n’agissons pas sur autrui, magiquement, par un charme, une sorcellerie, Ils le savent et nous méprisent, sans le connaître et nous le faire connaître.

Il y a deux castes : les hypnotiseurs et les hypnotisés, Les hommes ont du goût, ils ne pardonnent pas de n’être pas sé- duits, Te créer Supérieure est l’affaire de la nature, mais en persuader les autres ne regarde que toi, J’ai le goût religieux des attitudes, Une âme de premier ordre, qui en laisse une au- tre la côtoyer, plus grave, plus simple et plus hautaine, s’est humiliée irrémédiablement, Quoi que prétende la conscience intime, cette lénitive approbation personnelle, l’infériorité a existé et pas seulement dans la forme.

Quand avouerons-nous donc toute l’existence du signe ? Nous ne sommes"pas autre chose que ce que nous fûmes dans notre chair, à telle ou telle minute visible et dont le souvenir a jugé. *

Il faut, 6 Saint-Just, porter sa tête comme un Saint-Sacre- ment pour se venger d’avance de tous les paniers.