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Lu JY/KNAL DE MARIE LENERU

Vannes, mardi.

Lire ne désénerve pas. Quelle que soit la valeur de notre curiosité, lire n’est pas cesser d’attendre. Lire, c’est la vie des autres, c’est le regard, c’est le repos. Il ne faudrait lire que pour se fustiger en lecture pieuse, pour rendre la somme exacte de ce qu’on a pris.

Mais lire comme moi, lire pour lire, Zire toujours. Lire plus qu’on ne parle, lire plus qu’on ne bouge, lire plus qu’on ne voit. Lire de 15 à 26 ans !

« Notre vie n’est que mouvement. » Oh ! ce moius animi con tinuus, "dont parle Cicéron, cela seul est la vie intellectuelle,

Et puis le plein air, les pleines heures sous toutes les incli- naisons du soleil et de la lune… La vie domiciliée est anormale et monstrueuse. J’ai fait le vœu ce matin en sortant de la ca- thédrale, devant ces remparts et leur fossé, leurs mâchicoulis, et leur Tour du Connétable découpés à pleine matinée, intaillés en ciel dur, bruns, ligneux et frais comme les troncs en lisière d’une haute futaie, je me suis promis, je me suis juré de vivre au soleil, à grande atmosphère, de vivre et mourir sous mon ombrelle mieux promenée, par le monde, qu’une épée de croi- sade,

L’ombrelle errante de l’impératrice d’Autriche.

Lorient, 1er juin.

J’airevu Darcy, le héros de Pékin, et je me suis étonnée moi- même de la simplicité, hors les usages, avec laquelle, d’ins- tinct, j’ai fait des avances et comme rendu hommage à ce jeune homme, 3

Oh ! je ne suis pas l’enthousiasme féminin, récompense mon- daine de l’illustration masculine ! Une notoriété, que je ne par- tage pas, n’a aucune raison d’émouvoir le réalisme profond de mon ascétisme. Mais voilà : je représentais dans ce groupe un