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voir dire : Au moins c’est tout ce que je peux, je me suis em- parée de toutes mes ressources actuelles. \

Ce qu’il y a de comateux en nous ! Pauvre misérable cerveau qui nous sert d’âme. LL

J’ai un besoin d’effort et d’application intellectuels, comme d’autres ont besoin d’air et d’exercice.

Écrire est pour moi une véritable lecture de moi-même, dans laquelle je rencontre souvent bien plus d’inattendu que dans un bouquin même original. Mais ce que je lis n’existait pas avant, je l’y mets en le découvrant. Donc il faut écrire pour exister, pour devenir soi.

Dimanche 10 décembre.

Que faire ? L’affabulation d’un roman, les éternels senti- ments de la vie vulgaire ce serait trop déchoir. Me voyez-vous marivaudant ?

Vendredi 15 décembre.

Répondu à X.. qui m’ennuyait en me vantant trop les saints.

Il y a aussi une routine d’admiration. Et puis, je n’admets pas qu’on puisse admirer une chose et en être une autre. Je lui avais écrit que j’aimais plus les saints que je ne les admirais, que leur énergie me plaisait et qu’enfin ils étaient des gens arri- vés, or j’aime ceux qui réussissent, Mais n’ayant qu’une vie à vivre, je me garderais comme de la peste de m’enfermer quel- que part, fût-ce dans le bien. Je lui faisais remarquer que les saints historiques ont généralement dû l’immortalité à leurs facultés intellectuelles, que ce n’est pas la saïntelé qui fait les saints. Il y a peut-être aujourd’hui six mille religieuses menant la vie de Ste Thérèse et qui ne seront jamais canonisées, parce que la nature ne leur a donné ni le don de séduction, ni le talent d’écrivain de Mademoiselle de Ahumada. —

Il faut bien nous avouer qu’au fond, tout repose sur le