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mélodrame de cinquième ordre qu’est leur existence, ils aient pus’inventer l’étonnante, la nécessaire, la prodigieuse frivolité,

« Gardez, 6 hommes vains, les choses vaines ! » (Imitation.)

La musique m’obsède, la musique vivante, énergique, em- portée : l’allégro du grand septuor, l’ouverture de Ruy Blas, une valse de Chopin, encore les marches aux Flambeaux de Beethoven fsic). Mais que sommes-nous donc à la musique et que nous est-elle ?.

Je me rappelle la romance d’Henri VIII avec son adorable accompagnement d’arpèges. Nous revenions, d’une visite faite au loin sur les quais dans une belle très vieille maison, en voi- ture ouverte et très vite à cause d’un orage qui menaçait, pesait et vibrait sur le vieux Paris, la large Seine tournante et plus loin sur les tricornes du Louvre. Je fredonnais la romance, contente d’être à Paris, excitée par l’orage et sentant aussi, je pense, la beauté des nuages violets sur les pierres violettes, Il y a douze ans. si l’on savait comment on est destiné à se souvenir des choses,

Par moments, c’est un sursaut, une fin de patience à ne pou- voir pas être sourde une heure de plus. Et le lendemain, se ré- veiller là-dedans, qu’il n’y ait pas d’autre réveil possible !

Vendredi 22 septembre.

Je ne vaux plus rien que dans le tête-à-tête. Mes amis me deviennent étrangers dès qu’ils se réunissent,

Voir les groupes se former autour de mon fauteuil, les voir s’animer et moi immobile avec ma jeunesse et mon esprit, devenir comme une borne entre tant de gaîté, gênée de mon sérieux parmi les rires, être là en robe rose, à représenter une absente et montrer une place vide !

Ts ne savent pas ce que je perds. Une autre à ma place ne perdrait pas autant.