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ANNÉE 1899

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france rende meilleur, maïs je sais qu’elle nous rend plus pro- fonds ». (La philosophie de Nietzsche. LICHTENBERGER.)

Vendredi 14 avril.

J’aime la vie, j’aime prodigieusement la vie. Tout me grise en elle. Je sens croître la fièvre qu’elle me donne. Je me meus dans cette vie avec une allégresse qui me déborde, il m’est impossible de refréner la vivacité de mes mouvements, l’éner- gie de mes paroles, la provocation du regard, tout ce qui affirme mon triomphe d’exister, Si je me rencontre dans une glace, je crois m’apporter une nouvelle mystérieuse et enivrante. J’ou- vre devant moi les portes toutes grandes, je vais et viens dans un mouvement rythmé comme une valse. Désormais, je le sens, ma vie aura pour moi jusqu’à la fin les enchantements et les surprises d’une convalescence,

Quelle que soit ma vie, je le déclare, je mourrai réconciliée avec elle,

Samedi 15 avril.

Pour juger les gens avec indulgence, « se mettre à leur place ». Précisément ce qu’il ne faut pas faire. Il n’y a aucune raison d’exiger des autres ce que nous avons l’habitude d’at- tendre de nous. On suppose que cela rend plus accommodant. En effet, si j’étais Parménion !

De Fernand Gregh, dans a Revue d’aujourd’hui :

Et pourtant je ne maudis pas l’antique sort,

Vieux joug doux d’être usé, sous quoi nous nous courbons, Ni les hommes trop douloureux pour être bons,

Ni Dieu même, le seul vrai coupable, s’il est.

Pourquoi ? — Parce que tout, en me blessant, me plaît Étrangement, absurdement, infiniment,

Que j’aime ma tristesse avec un cœur d’amant,

Que le regret pour moi vaut mieux que le désir,