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ANNÉE 1899

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Jeudi 2 février,

Je ne sais pas pourquoi, je n’avais pas encore lu Marie Bashkirtseff. Je l’aime, bien que nous soyons différentes, D’abord, mon originalité à moi est une catastrophe.

Elle s’est toujours orientée vers « la gloire ». Moi, je croyais faire une meilleure affaire avec la sainteté ; mais je n’y allais pas plus mollement. J’ai été janséniste jusqu’à manger des abricots sur une dent malade, ne pouvant ostensiblement re- fuser de tous les desserts.

Une gloire d’artiste m’aurait toujours semblé misérable. Même aujourd’hui, je souhaiterais la notoriété plutôt pour d’illustres sympathies que pour la renommée. |

On trouve que physiquement Marie Bashkirtseff me res- semble, Peut-être, les mêmes joues pleines et le même regard mouvementé,

Dimanche 5 février.

Comment faire pour vivre assez par jour ? Ces dernières années, je croyais à mes études, il me les fallait, d’ailleurs, elles pouvaient alors constituer 107 travail. Maintenant c’est trop peu.

J’ai besoin d’une effrayante quantité de travail. Un arrêt, c’est une halte dans le désespoir. Où trouver ce qui vaille une pareille application ?

Écrire ? J’aurai beau faire, il arrivera un moment où je ne. pourrai plus m’en empêcher.

Il n’y a absolument rien dans ma vie. Il me faut un art infini pour m’occuper avec mes ressources, avec mes études ;  : non seulement je m’ennuie, mais je ñne cesse pas de m’ennuyer.

Écrire m’a toujours semblé le sacrifice de la femme à l’au- teur ; eh bien, elle est perdue pour moi, la femme : il s’agit de : sauver ce qui restel