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ANNÉE 1897


Mercredi 2 juin 1897.

J’ai vingt-deux ans.

Dimanche 20 juin.

J’adore la bonté et je ne suis pas bonne, parce que dans mon indépendance et mon perpétuel antipanurgisme, j’ai méprisé les preuves un peu banales qu’on a l’habitude d’en donner. Pourtant je suis meilleure que je ne le parais avec mon imperturbable critique, et quand je vois de bonnes âmes indulgentes par banalité ou respect humain, je leur en veux d’être meilleures que je n’en ai l’air dans ma dédaigneuse inhostilité.

Il faut en revenir au système de Ste Thérèse, si facile et simple, ayant au moins le mérite de l’édification : Ne dire jamais le moindre mal de personne.

1897. Brutul, 23 juillet.

Trois dizaines de chapelet en marchant dans la prairie, j’ai de la peine à aller plus loin. Si je pouvais prier autrement je ne m’y appliquerais pas. Pourtant je ne crois pas à la banalité d’une prière, même orale. Elle vaut toujours l’intention qui la prononce.

Le chapelet est, pour moi, un acte de foi et de volonté. Je ne veux pas que ma prière soit à la merci de mes impressions intellectuelles.

Les mots mêmes qu’on oublie maintiennent l’âme en état de prière, font vraiment fil conducteur. Puis cette reprise constante des mêmes paroles donne très fortement et comme physiquement, l’impression de la prière. On s’entend supplier.

« Machine à prier » qui, tout en dirigeant l’intention lui laisse une liberté plus grande que les prières plus spéciales : l’acte d’abandon de Bossuet, St Thomas d’Aquin au Saint-Sacrement, Pascal pour la maladie.

    mero correspondant, les phrases qui, dans le manuscrit, ont été, par la coupure faite, tronquées ou décapitées.