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conde, il y a les Faque, les Tantes 1, mon oncle Charles, les Albert d’Auriac. Il y a encore une classe de parents très éloi- gnés Dehainin, Sallerin, Jarry, Rocher ; mais tout ça c’est bon, gentil, mais la vraie famille n’est que mes chers Corrard et Dauriac, dont je parlerai plus tard car maintenant je sors.

Me revoici encore une fois à écrire ; c’est si amusant son journal, surtout comme maman ne le ira que plus tard, je peux dire toutes les folies qui me passent par la tête, A dîner, je me suis mortifiée, je n’ai pris aucun dessert, cependant, il y avait des framboises, des cerises, des fraises, des groseilles et un gâteau qui me tentait assez ; et dirai-je, dirai-je pourquoi cette mortification ? O Fernande, 6 maman, si vous me lisez ! — pour me trouver un ami et un guide qui ressemble à Albert de la Ferronnays ! C’est drôle, mais je meurs de frayeur d’être aveugle sur mon mari.

De quoi parler ? J’ai pourtant bien envie de faire un long journal, j’ai si hâte d’avoir fini ce cahier ! Eh bien, je m’en vais revenir en arrière et raconter une folie de nos bons jours à la Grande Rivière ; j’étais la plus coupable puisque c’était moi qui l’avais inventée, aussi ai-je été la plus grondée.

Pour nous faire des inhalations, Fernande et moi avions des siphons à caoutchouc ; un dimanche que nous — c’est-à-dire les enfants — étions seuls af home, je demande à Fernande de m’aider. Pour faire marcher le siphon, il suffit de mettre une extrémité dans un verre d’eau et de le lever quand on veut faire sortir le jet par l’autre extrémité. Eh bien donc, Fer- nande, armée de son verre d’eau, moi de l’autre bout du siphon nous nous approchons de la fenêtre, nous fermons les per- siennes, puis des ombrelles passent ; je les rouvre un peu, je crie à Fernande : « Lève, lèvel » et une pluie aussi désagréable qu’inattendue — le temps était superbe — s’abat sur les ombrelles des coquettes ; d’abord pendant une demi-heure à

1. Miles Betsy et Emilie d’Auriac. Sœurs de l’amiral Dauriac, grand-père de Marie (mort en 1878), du capitaine de vaisseau François d’Auriac (mort en 1875) et de Charles Dauriac (l’oncle Charles), commissaire général de la Marine à Brest.