Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/100

Cette page n’a pas encore été corrigée
98
JOURNAL DE MARIE LENÉRU

98 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

m’échappe pas et j’ai toutes les peines du monde à ne pas le laisser voir. Cela, c’est un ridicule à moi.

La paresse, le défaut que je méprise le plus et que je n’avais pas naturellement, est pourtant celui que j’ai le plus à com- battre ! peut-être à cause de ma surdité (ce qui vous éteint pas mal) — et cependant-la faute est loin d’en être toute à mes oreilles, car j’ai mes jours. C’est une honte ! surtout le temps que je mets à m’habiller, je flâne constamment.

Je ne peux pas dire que je sois réellement gourmande : car la mortification sur les desserts ne me coûte guère ; c’est-à-dire qu’une fois que je suis résolue à m’en passer, je n’en ai nulle envie ; mais je suis un certain temps à m’y décider, et il ne faut pas croire que je me mortifie souvent ; très rarement au con- traire.

Je considère qu’en moi l’étoffe, c’est-à-dire l’ouvrage de Dieu et sa grâce est immense, et mon ouvrage à moi n’existe pas. Parfois peut-être ai-je travaillé à défaire ; j’ai une grande responsabilité devant Dieu et mon compte sera sévère, d’au- tant plus que je crois avoir assez de volonté quand je veux mais est-ce que je veux souvent ? En moi, la racine est bonne, mais les fruits sont piètres ou plutôt manquent totalement.

A l’ouvrage donc, me rappelant cette pensée de Lacordaire que j’arrange un peu à mon intention : plus les sources partent de bas, plus elles jaillissent haut. Le tout est de les faire jaillir. D’abord, par où commencer ? Par ’quel côté attaquer mon caractère ? Je sais parfaitement que le moyen de tout perdre est de vouloir mener tout de front. Je réfléchissais ces jours-ci à quel parti prendre, me disant qu’il valait mieux attaquer son plus grand défaut qui sert probablement de source aux autres et qui, une fois extirpé vous rapprocherait plus vite de la per- fection. J’ai essayé en combattant mon orgueil et je me suis rebutée, et la volonté m’a même fait défaut ; alors je crois qu’il vaut mieux commencer par les plus aisés ; de petites victoires mèneront aux plus grandes, et il y aura moins de marge pour le découragement. Donc, vertus à pratiquer : Sincérité, Charité, Mortification. Défauts à combattre : Fausseté, Égoïsme, Mol-