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pas à le connaître. Qui donc parmi les jeunes de ce temps-là pouvait passer près de Janin sans le voir ou sans l’entendre ? Personne.

Alfred et Tony Johannot, Eugène et Achille Devéria devinrent des camarades pour notre peintre pendant ces années brillantes qui avoisinent 1830 et auxquelles il serait permis d’appliquer le mot séduisant de Renaissance.

Le Salon de 1831 s’ouvrit le Ier mai au Musée royal. La dernière exposition datait de 1827. Est-ce pour dédommager les artistes vivants de la longue privation dont ils avaient souffert que le gouvernement s’abstint de limiter le nombre de leurs envois ? Quoi qu’il en soit, le Salon de 1831 compta plus de 3000 ouvrages alors que celui de 1827 n’en avait renfermé que 1800. Ce fut un événement. Hersent, peintre timide et correct, reçut à cette exposition le premier avertissement de la défaveur du public. Horace Vernet ne fut guère mieux accueilli. Ses batailles de Jemmapes et de Valmy, populaires avant 1830, alors qu’il était interdit au peintre de les sortir de son atelier, perdirent tout intérêt au Louvre. L’histoire est de tous les temps ; la politique n’a qu’un jour. On préférait, non sans justesse, à ces vastes toiles qui n’avaient ni la solidité ni le caractère des peintures militaires du baron Gros, la Vue du pont de Dunkerque, par Isabey, les portraits de Champmartin, les miniatures de Mme Lizinska de Mirbel.

Schnetz, Delacroix, Léopold Robert, Granet, de La Berge, Paul Huet et Sigalon qui avait exposé la Vision de saint Jérôme dont nous parlons plus haut, eurent aux yeux des artistes et de la critique les honneurs du Salon.

David, Pradier et Barye chez les sculpteurs dominaient sans conteste.

Gigoux glissa furtivement au Salon de 1831 quelques Portraits dessinés à la mine de plomb et diverses lithographies, pendant que son ami Antonin Moine envoyait au Musée royal ses premiers essais en sculpture. La Chute d’un Cavalier par Antonin Moine fut remarquée. C’était un bas-relief en plâtre, et malgré la différence des procédés, le nom de Géricault fut prononcé par plus d’un connaisseur devant le cheval modelé du jeune statuaire. On parla beaucoup de la composition charmante d’Antonin Moine, les Lutins en voyage, cavalcade fantastique de malins démons aux têtes