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qu’aux yeux et, pour ainsi dire, à l’oreille de son lecteur.

Il y a harmonie pour l’esprit, toutes les fois qu’il y a parfaite propriété dans les expressions.

Or, quand l’esprit est satisfait, il prend peu garde à ce que désire l’oreille.

Quoi qu’on en dise, c’est la signification surtout qui fait le son et l’harmonie ; et, comme, dans la musique, c’est l’oreille qui flatte l’esprit, dans l’harmonie du discours, c’est l’esprit surtout qui fait que l’oreille est flattée.

Exceptez-en un petit nombre de mots très-rudes et d’autres qui sont très-doux, les langues se composent de mots d’un son indifférent, et dont le sens détermine l’agrément, même pour l’ouïe. Dans le vers de Boileau, par exemple, « traçât à pas tardifs un pénible sillon, " on remarque peu, ou même on ne remarque point le bizarre rapprochement de toutes ces syllabes : tra-ça-ta-pas-tar…. ; tant il est vrai que le sens fait le son !