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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


des Allemands. Paris, le 20 octobre 1897. Signé : Ch. Lebrun-Renault. » « Le capitaine Lebrun-Renault, de la garde républicaine, a fait la déclaration ci-jointe en présence du général Gonse et du lieutenant-colonel Henry, et l’a écrite de sa main. Paris, 20 octobre 1897. Signé : Gonse, Henry. »

Si Lebrun-Renault a vraiment rapporté ainsi les propos du condamné, propos que Gonse « a si bien mis dans sa tête » et que Mercier, plus prudent[1], ne confirme qu’en partie, — « Si j’ai livré des documents à l’Allemagne c’était pour en avoir de plus importants », — l’aveu, tant poursuivi, de Dreyfus serait flagrant. Or, Lebrun-Renault dépose qu’il n’eut jamais l’impression d’un aveu, et Mercier ne fit rien pour recueillir juridiquement l’aveu auquel, la veille encore, il attachait tant de prix !

Il est à remarquer que, dans la version du 20 octobre 1897, Lebrun-Renault ne prononce même pas le nom de Du Paty de Clam, alors que, dans ses versions ultérieures, il raconte, tel qu’il prétend l’avoir compris, l’incident qui est relatif à l’envoyé de Mercier.

C’est que, le 20 octobre 1897, Mme Dreyfus n’avait pas encore publié la lettre où son mari, le soir même de la scène du Cherche-Midi, écrivait à Mercier qu’il avait reçu la visite de Du Paty. Mme Dreyfus fit le récit de cette visite dans une lettre qu’elle adressa, le 14 janvier 1898, à Cavaignac qui, la veille, dans une interpellation à la Chambre, avait affirmé que Lebrun-Renault avait recueilli les aveux de Dreyfus.

C’est pour la même raison que Gonse, devant la Cour de cassation et à Rennes, fait allusion à la visite de Du Paty à Dreyfus, visite qu’il dénature, mais qu’il ne peut plus nier.

L’une des nombreuses preuves que la lettre de Gonse à Boisdeffre, datée du 6 janvier 1895, a été fabriquée après coup, c’est que la visite de Du Paty à Dreyfus y est mentionnée. Or, le 20 octobre 1897, dans la note que Gonse et Henry font écrire à Lebrun-Renault, il n’en est pas ques-

  1. Cass., I, 7, Mercier.