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LA CHUTE DE MERCIER

Cette dépêche sonna comme un ultimatum aux oreilles de Dupuy ; il la porta aussitôt au Président de la République, avec la demande d’audience de l’ambassadeur[1].

Dès le début de sa présidence, Casimir-Perier avait réclamé du ministre des Affaires étrangères la communication des dépêches ; Hanotaux s’y était refusé, et, parce que le Président ne l’avait point congédié sur l’heure, il avait continué à gérer son ministère comme une satrapie. Aux observations réitérées du chef de l’État, il opposa une obstination hautaine, la crainte que des indiscrétions ne fussent commises dans l’entourage immédiat, le cabinet du Président. Il était allé jusqu’à négliger de lui transmettre des paroles qu’un souverain étranger avait prié un ambassadeur de France de faire parvenir au premier magistrat de la République.

Casimir-Perier savait qu’Hanotaux avait eu, au sujet de l’affaire Dreyfus, des entretiens avec l’ambassadeur d’Allemagne ; Hanotaux s’était abstenu de les lui faire connaître[2].

À l’heure des plus sérieuses difficultés, le ministre était absent de Paris.

Informé de l’incident par une dépêche de Dupuy, Hanotaux télégraphia qu’il était d’avis de s’expliquer clairement du fond de l’affaire avec l’ambassadeur d’Allemagne, qu’il désirait procéder lui-même à cet échange de vues et qu’il rentrait à Paris[3].

L’avis était judicieux ; la prétention d’ajourner l’échange de vues à son retour, impertinente et grosse de dangers.

  1. Cass., I, 329, Casimir-Perier.
  2. Rennes, I, 67, Casimir-Perier.
  3. Rennes, I, 222, Hanotaux.