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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


promenade où il n’a cessé de hurler, à pleins poumons, son innocence. Or, son supplice achevé, Dreyfus a été jeté aussitôt dans la voiture cellulaire, protestant encore[1].

Du Paty et sa mission au Cherche-Midi ne sont point mentionnés dans la version de De Mitry et d’Anthoine, la même que le rédacteur de la Libre Parole a reçue du commandant inconnu, et dont s’emparèrent, comme d’un argument décisif, le journal de Rochefort, Barrès et Judet[2]. Plusieurs officiers propagèrent les paroles attribuées au condamné[3].

Les journalistes furent informés, mais non le général Darras. Il lui fut rendu compte qu’aucun incident particulier ne s’était produit. Darras le dit à Picquart qui avait été désigné par Mercier pour assister à la cérémonie et qui était placé derrière lui. Picquart, à son tour, rendit compte au chef du cabinet du ministre[4].

Grand fut donc l’étonnement de Picquart lorsqu’on commença à raconter, vers le soir, au ministère, que Dreyfus avait fait des aveux[5]. Des officiers de l’État-

  1. Rennes, III, 89, colonel Guérin : « Je ne suis pas indigne rester parmi vous… »
  2. « Il aurait bien livré des documents, ce qui est un aveu formel ; mais pour en obtenir d’autres, ce qui est un mensonge de plus à son actif, et personne n’en sera dupe. » (Petit Journal du 6.)
  3. Cass., II, 133, commandant Bernard ; II, 137, Louis Druet : « J’ai fait un certain trajet à pied avec MM. Caron et Girod qui, comme moi, ont entendu plusieurs officiers propager les paroles attribuées à Dreyfus. »
  4. Cass., I, 142 ; Rennes, I, 382, Picquart.
  5. Ibid. — Cass., I, 261, Boisdeffre : « Nous avons eu la nouvelle dans l’après-midi ou le soir. » Le colonel Guérin fixe entre 6 heures et 6 heures et demie la visite qu’il reçut de Picquart (Rennes, I, 90). — Le contrôleur Peyrolles avait, aussitôt après la dégradation, causé avec Guérin qui lui dit que Dreyfus avait fait des aveux à Lebrun-Renaud. (Cass., I, 281). Peyrolles rencontra des officiers d’État-Major qui le question-