Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
30
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

C’étaient des « fuites de plans directeurs », c’est-à-dire des cartes à grande échelle des fortifications, surtout de l’Est et du Sud-Est. D’autres renseignements ont pu être vendus alors à l’Italie et à l’Allemagne ; mais la seule trahison avérée consistait dans un trafic abondant de ces plans[1]. Le 1er décembre 1892, Schwarzkoppen avait reçu 6.000 francs de son État-Major pour renouer d’anciennes relations avec les fournisseurs de cartes[2]. Panizzardi n’était pas moins avide de ces documents pour la région des Alpes[3]. En janvier 1893, Schwartzkoppen reçoit des plans de Reims et de Salins[4]. En juin 1893, Schwarzkoppen réclame encore des plans teintés[5]. Le 29 décembre, partant en congé pour Berlin, il écrit à son camarade Süsskind, chargé de l’intérim, au sujet d’un individu qu’il appelait « l’homme des forts de la Meuse[6]». Il prescrivait de verser à cet espion 300 francs, à titre d’avance, s’il venait pendant son congé ; l’homme, ou sa mère, devait apporter le reste des plans de la Meuse, ceux de Toul et d’autres dessins. « Sans cela, pas un sou. » La lettre avait été interceptée.

Quand Mercier arriva au ministère, Sandherr lui remit cette lettre qui montrait avec quelle audace, protégé par son immunité diplomatique, l’attaché militaire allemand avait organisé son service d’espionnage.

Son prédécesseur avait été impliqué dans l’affaire Boutonnet. L’ambassadeur d’Allemagne, le comte de Munster, avait promis alors que ses attachés militaires s’abstiendraient désormais de tout trafic avec des officiers ou fonctionnaires français. La lettre sur « l’homme

  1. Cass., I, 55, Roget, — Une note de l’attaché allemand, du 25 mai 1892, annonce l’envoi de huit nouveaux plans directeurs des régions d’Arras et de Laon, ainsi que de deux plans de Toul. (Cass., V, 27. Rapport Boyer, etc.).
  2. Dossier secret, pièces 17 et 17 bis, 225, etc. (Rennes, III, 632, Demange.)
  3. Rennes, I, 541, Gonse. — Voir Appendice I.
  4. Cass. V, 27, Boyer : « Une note contient la découverte de sommes payées à diverses époques et notamment, le 30 janvier 1893, à un nommé D. B. »
  5. Dossier secret, pièces 20 et 20 bis.
  6. Rennes, I, 77, Mercier.