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contrôle sérieux ; des imprudences faillirent, plus d’une fois, amener des complications[1]. Elle accueillait des projets saugrenus, comme de répandre le phylloxéra dans les vignobles du Rhin et la morve dans la cavalerie allemande, et se fâchait qu’ils fussent repoussés par les ministres civils. La Sûreté générale, si elle avait été chargée de la même besogne, — comme elle l’avait été jadis, sous Napoléon, — aurait obtenu, à de moindres frais, d’autres résultats.

Cependant, le bureau du colonel Sandherr n’avait pas été sans rendre quelques services. Le contre-espionnage avait amené l’arrestation de cinq ou six espions ; surtout, il gênait le recrutement des espions allemands : quiconque s’offrait était réputé, d’abord, provocateur. Dans le tas de papiers que ramassait la Bastian, où il était plus souvent question d’aventures galantes que de choses militaires, il avait été fait aussi quelques trouvailles. D’autres surveillances, enfin, et le hasard avaient conduit à la découverte d’importantes trahisons : l’artificier Thomas, à Bourges, le bibliothécaire Boutonnet, à Saint-Thomas-d’Aquin, Greiner, au ministère de la Marine, avaient été successivement démasqués et livrés aux tribunaux[2].

Pendant longtemps, le ministère même de la Guerre avait été indemne. En 1892, alors que le général de Miribel était encore chef de l’État-Major, on commença à s’apercevoir « qu’il y avait une fissure quelque part » et que des fuites se produisaient[3]. L’État-Major en fut aussitôt très préoccupé[4].

  1. Cass., I, 335, Develle, ancien ministre des Affaires étrangères.
  2. Cass., 1, 519, Hartmann ; Rennes, II, 504, Cordier.
  3. Rennes, II, 13, Rollin.
  4. Rennes, I, 518, Boisdeffre.