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LA DÉGRADATION

VIII

Ainsi le prisonnier résista aux promesses comme aux tortures. À cette heure où la blessure saigne à vif, quand il peut croire que, d’un mot ambigu, il échappera à l’affreux supplice, il s’enferme dans sa forteresse, la vérité.

Du Paty, le soir même[1], adressa à Mercier une courte lettre où son dépit se traduit en formules mensongères : « Dreyfus n’a rien voulu avouer, déclarant qu’avant tout il ne voulait pas plaider les circonstances atténuantes… Il espère que, d’ici cinq ou six ans, on découvrira le mot de l’énigme qu’il ne peut expliquer… Il se dit l’objet d’une fatalité… Il a pris son parti de tout, y compris la dégradation, qu’il considère pourtant comme un très dur moment à passer. »

L’émissaire regrette de n’avoir pas mieux réussi dans sa mission.

Il en rédigea ensuite un compte rendu détaillé qu’il déposa au cabinet de Mercier[2], et qui fut transmis ensuite par le ministre à la section de statistique[3]. Plus tard, devenu gênant, ce compte rendu a disparu.

  1. 31 décembre 1894 (Rennes, I, 100).
  2. Cass., I, 440, Du Paty.
  3. Rennes, III, 513, Du Paty : « Cette mission a fait de ma part l’objet d’une lettre adressée au ministre de la Guerre et d’un compte rendu détaillé également adressé au ministre, transmis par lui à la section de statistique, et qui n’a pas été retrouvé dans les archives de cette section ». — Cass., III, 180. Ballot-Beaupré : « Le compte rendu détaillé qu’évoque M. Du Paty ne figure pas au dossier communiqué par le ministre de la Guerre. » — Voir Appendice XIX.