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LE PROCÈS


à Guénée : « Si je connaissais le nom, je vous le dirais. » En juin, il aurait dit à Henry : « Si je connaissais le nom, je ne vous le dirais pas[1]. « — Donc, en tout cas, Henry s’est parjuré, puisque l’espagnol n’a pas nommé Dreyfus. — En octobre enfin, quand Dreyfus est accusé d’être l’auteur du bordereau, Henry ne s’enquiert pas auprès de Val-Carlos, absent de Paris selon Guénée, mais point introuvable, proche parent d’un officier supérieur français !

Mais Picquart lui-même, tout informé qu’il était, ne soupçonna pas la fraude. Les juges, ignorant de tout, furent emportés comme par un torrent. Deux d’entre eux[2], des plus intelligents, en ont fait l’aveu. Le président Maurel pense que « le témoignage eût gagné à être moins exagéré en gestes et en paroles », mais la sincérité, la bonne foi d’Henry lui parurent certaines : « Il parla sans haine[3]. »

  1. Invité par la Cour de cassation à s’expliquer sur le point de savoir si Val-Carlos a pu compléter plus tard ses renseignements, Guénée répond négativement (Cass., I, 727). Guénée ajoute : « Quand je l’ai revu en 1896, il ne m’a pas parlé de l’affaire Dreyfus. »
  2. Cass., II, 6, Freystætter : « Cette déclaration a eu sur moi une influence considérable en raison de l’attitude d’Henry, qui, se tournant vers Dreyfus, le désigna comme étant le traître. » — De même Gallet (Voir t. IV, 225, note 1).
  3. Rennes, II, 192, Maurel. Il ajoute même : « Et sans passion. »