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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


phique, sur papier à en-tête du cabinet du ministre. Cependant Henry garda soigneusement le texte de Du Paty.

De nouvelles accusations, audacieusement développées, corsèrent le nouveau travail[1]. L’un des arguments que les défenseurs de Dreyfus faisaient valoir, c’est cette impossibilité morale, pour un homme, de passer, en un moment, sans mobile, de la vertu au crime. Quelque révérend Père y a réfléchi. Dans ses longues conversations de chaque soir avec Du Lac, Boisdeffre l’a entretenu de l’affaire, des chances qu’a le juif d’échapper, et de cette redoutable objection. En tout cas, la nouvelle notice y répond. Elle prend Dreyfus à son entrée à l’École de pyrotechnie de Bourges. Il y a commencé, traître de profession, dès ses débuts dans la carrière, la longue série de ses trahisons, et a continué à l’École de guerre. Il a, dès lors, livré à l’Allemagne le secret du chargement d’un obus et une conférence confidentielle, faite à l’École de guerre, sur l’organisation défensive des États.

Ces deux charges étaient inconnues de Du Paty, mais les pièces, d’où on les faisait résulter, ne l’étaient ni de Boisdeffre, à qui Sandherr rendait compte, ni d’Henry, qui renseignait Mercier[2].

En effet, le service de statistique avait reçu, en 1890, des débris de papier calciné ; la direction de l’artillerie y reconnût la copie d’une instruction relative au chargement des obus à la mélinite, qui avait été autographiée à deux cents exemplaires, en 1889, et en-

  1. Rennes, III, 512, Du Paty : « Il n’est pas impossible que le commentaire que j’avais établi avec le colonel Sandherr ait servi d’élément à un travail plus étendu, se rapportant à diverses phases de la vie militaire du capitaine Dreyfus. »
  2. Rennes, II, 218 : « Me Labori : Par qui M. le général Mercier a-t-il été renseigné ? — Gonse : C’est par le colonel Henry. »