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L’INSTRUCTION


irrégulières[1], et le mot lui-même n’a pas la longueur du kutsch, mais 15mm,46[2].

Bertillon, cependant, affecte de tenir ces assertions pour vraies, et il en conclut que, pour écrire le bordereau, Dreyfus a fait l’opération suivante : il a calqué ce mot intérêt sept ou huit fois au bout l’un de l’autre ; c’est la chaîne ou gabarit ; il trace sur papier calque deux de ces chaînes « en deux encres de couleur, que l’on trouve sur toutes les tables d’officiers s’occupant de topographie[3] » ; il colle ces deux chaînes « imbriquées » l’une sur l’autre, avec un recul de 1mm,25[4] ; comme le papier calque est transparent, les lignes de l’une apparaissent sous les lignes de l’autre ; il colle ensuite ce double gabarit sur du papier ordinaire, mais quadrillé de 5 en 5 millimètres ; et l’écriture se fait sur le papier pelure appliqué sur le double gabarit, en suivant, autant que possible, les jambages du mot clef, tantôt sur une chaîne, tantôt sur l’autre, tantôt en commençant sur l’une pour finir sur l’autre[5].

Puis, comme en vérifiant chaque ligne du bordereau sur les gabarits, Bertillon a reconnu que, même avec les deux chaînes, la grande majorité des jambages ne coïncident pas entre eux, et, surtout, qu’il serait trop aisé, à quiconque referait l’expérience, de le constater, il ne s’embarrasse pas pour si peu, mais, dans cette faillite de ses calculs, dénonce une preuve nouvelle de l’infernal génie du traître. Si toutes les lettres du bordereau

  1. En prolongeant les lettres du mot intérêt, Paraf-Javal montre, au tableau, que les directions n’en sont ni équidistantes ni parallèles (Rennes, II, 430).
  2. Rennes, II, 431, Paraf-Javal.
  3. Rennes, II, 347, Bertillon.
  4. Ibid., 344, 345, etc.
  5. Ibid., 346, 357, 358, etc.